lundi 28 février 2011

Straight Edge


Premier bilan de mon expérience straight edge
Depuis le premier janvier, je me suis lancé dans une expérience personnelle. Ca se rapproche du straight edge, même si l’adoption d’un nom spécifique pour une expérience individuelle me semble fausser le propos.

(crédit photo @ Louise Dehaye)


D’abord, qu’est ce que le « straight edge » les kids ?
L'utilisation de l'appellation Straight Edge vient de l'expression to have the edge, qui veut dire, en anglais, avoir l'avantage. En effet, en ne buvant pas et donc en gardant une clarté d'esprit les straight edge ont l'avantage sur les gens saouls ou drogués qui ne se contrôlent plus. La chanson Straight Edge reprend cette expression, en rajoutant straight, qui devient l'avantage total.
Ce mouvement issu du milieu punk/hardcore est un mode de vie, une liste de choix que chaque Straight Edge prend la responsabilité d'assumer. Ne pas boire, ne pas fumer, ne pas se droguer, ne pas faire l'amour sans sentiments pour conserver une éthique propre aux modes de vies alternatifs. On peut rappeler ici une autre chanson de Minor Threat, Out of Step dont le refrain « I don't smoke, Don't drink, Don't fuck, At least I can fucking think » est souvent pris, à tort, comme les trois piliers fondateurs du Straight Edge. Ian McKaye l'a dit lui même : "This is not a set of rules."



Les gars de Minor Threat étaient mineurs quand ils ont fondé le groupe. Ils ont transformé l’interdiction qui leur était faite en mode de vie. Parfaitement punk. « On n’a légalement pas le droit de boire. Ok, on n’en a pas envie de toute façon. » Pour distinguer les mineurs dans les clubs où se jouaient les concerts, on leur barrait un X au marqueur sur la main pour ne pas qu’ils puissent commander à boire. Ca deviendra le symbole du straight edge.
Ian MacKaye toujours : « Il n’y a rien que je déteste plus qu’entendre les gens utiliser cette merde comme excuse. J’ai entendu trop de fois ‘Oh mec, je suis désolé de ce qui est arrivé hier soir, j’étais trop bourré’. Hey, va te faire foutre mec, ça ne me va pas. »
Je ne suis pas un fan absolu de Minor Threat mais la réflexion me parle. Ou plutôt évoque chez moi quelque chose qui me parle.




Je veux tenter l’expérience dans ce qu’elle a représenté dans ses premiers jours. Garder son indépendance de raisonnement, sa capacité de jugement en toute occasion. Refuser l’addiction des masses. Juste poser la question « pourquoi ? » quand tout le monde considère logique de boire. Juste car c’est ce qui se fait en telle et telle occasion. Indirectement, je comprends la digression qui a poussé à réfléchir sur le fait de payer des taxes au gouvernement et leur utilisation discutable. Mais ça ne va pas plus loin. C’est une expérience que je personnalise et à laquelle je veux redonner son propos originel. Car ce qu’a dit Ian MacKaye dans un cercle restreint, dans un contexte qui lui est propre, dans une réflexion personnelle a été repris de l’autre côté de la rue, puis de l’autre côté de la ville, de l’autre côté du pays et enfin de l’autre côté du monde. Et le propos qui était « pense par toi-même » est devenu « tu dois suivre telle et telle règle si tu veux être straight edge ». Une ironie certaine.
Aujourd'hui, en plus des trois principes de base, la majorité des straight edges y ajoute le véganisme.
Je n’associe pas cela dans mon projet pour plusieurs raisons. D’abord car je n’ai jamais considéré les causes Don Quichotte, qui se ruent sur plusieurs fronts minoritaires à la fois. Perso, j’apprécie la verticalité dans ce genre de réflexion, une certaine cohérence dans le package, et selon moi le veganisme n’a rien à faire dans le truc. C’est une cause distincte et parallèle. Ce n’est pas dans ma disposition d’esprit.
Ca rejoint aussi le fait que j’accepte mal qu’un engagement personnel soit accompagné de prosélytisme. A vrai dire, quand je dis que je veux vivre cette expérience seul, je devrais dire « isolé ». La doctrine actuelle a quelque chose de fascisant, moralisateur et les sites qui parlent du « mouvement » (comment penser librement si tu fais partie d’une communauté avec des règles strictes ?) sont assez pénibles.
Je préfère piquer des citations pour ma situation à d’autres champs d’activité et je citerai donc Joe Namath, légendaire quarterback des NY Jets (foot US) : « If you aren't going all the way, why go at all? »




De façon naturelle, je n’apprécie pas ce qu’on nous impose. Au lycée, tu fumes pour être rebelle, mais comme j’étais le seul de ma classe qui ne fumait pas, je me suis toujours demandé de quel côté de la rébellion je me tenais concrètement.
J’avais déjà mené des réflexions sur l’alcool bon marché pour contenir la masse (drink booze, think loose), grand marronnier de la société occidentale, et me suis un peu ému du fait de boire beaucoup d’alcool social. Machinalement. C’est à dire, sans que l’ambiance soit à la party all night long, enfiler 8 bières pour discuter au calme avec un pote. Rien de radical, j’ai assez partagé d’apéros avec un nombre quasi-recensementaire de gens pour ne pas être taxé d’extrémiste.
Ce qui est assez drôle, justement, c’est que beaucoup de gens ont fait le lien avec le nom de mon blog, « Drink Booze Think Loose ». Ca n’a strictement rien de … euh … ‘militant’. Ce nom était une idée qui m’était venu à la lecture d’un fanzine conspirationniste US. C’est bien plus inquiétant en fait, mais au moins, on ne peut pas me taxer de prosélytisme.
Avec du recul, j’ai l’impression d’être à la croisée de pas mal de méprises hypothétiques. Sans le savoir, j’avais appelé un groupe « Black Sheep ». Ce qui nous caractérisait plutôt bien, mais si on est vicieux, ça fait référence à la pochette d'Out of Step (ci-dessus). J’ai sorti un EP en 2008, qui avait un gros X sur la pochette (ci-dessous). Sur ce disque se trouvait aussi la chanson « Drink Booze, Think Loose » (oui j'utilise beaucoup cette phrase, ça va) !! Je m’aperçois que, hors de son contexte, tous ces trucs peuvent être mal interprétés. Genre je suis un extrémiste. En fait, ce serait une multiméprise grossière.




Il faut chasser le côté « faut rigoler, mec ». Il faut pas mal d’humour pour continuer à avoir une discussion dans un club à 3h du mat’ quand t’es au coca. Et j’avoue que le truc qui m’a fait le plus marrer dans mes « recherches », ce sont les bent edge. L'exact opposé, donc. J’ai vécu en Irlande du Nord et c’est le genre d’humour que je comprends parfaitement. Je veux dire, après tout, comme disait Namath, si tu fais un truc, fais le à fond mec.
Le problème aussi, c’est qu’il faut bien mettre un terme sur l’expérience. Straight edge paraît adapté vu que ça colle au propos originel de Ian MacKaye, mais c’est un terme générique qui draine dans son sillage pas mal de conneries. Et pas mal de gens qui ont leur propre vision du « straight edge ». C'est une expérience personnelle, et donc peu soumise à la vindicte populaire. Etrange comment les gens ont tous leur avis sur comment mener une démarche très personnelle. A vrai dire, si on ne m’en parlait pas tout le temps, je n’en parlerais pas. Bien sûr, il y a ceux qui ne comprennent pas et qui voient ça comme de la désocialisation ou une forme d’impolitesse. Mais je suis étonné du nombre de gens pour qui ce n’est pas assez straight edge. Perso, les straight edge qui mélangent à leur engagement vegan, anti-machin et pro-truc... ça ne me parle pas trop. Et si en 1988, un danois obscur avait aussi statué qu’il fallait ne pas apprendre à conduire? Je vais peut-être traiter ça à l’ironie et créer une nouvelle branche où les straight-edges seront tenus de jouer à NBA jam pendant leur réunion.

dimanche 27 février 2011

Catch the Blue Bird !

Je cite souvent Louise dans les crédits photos des interviews ou des live reports, mais je n'avais jamais pris le temps de faire la promo de son site Catch the Blue Bird . Les photos de concerts se trouvent dans la rubrique Bootleg. Il y a aussi pas mal de Polaroïds et de photos d'endroits divers, pas de dictature du décibel.
Je vous refile ici quelques-unes de mes live pics préférées.

Rupert Orton // Jim Jones Revue @ Rock School Barbey ( 11 novembre 2010)

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Rich Mullins // Karma to Burn @ Périgueux ( 5 novembre 2010)

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Daniel davies // Karma to Burn @ Périgueux ( 5 novembre 2010)

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Bob Balch // Fu Manchu @ Paris ( 29 janvier 2010 )

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Fu Manchu @ Toulouse ( 7 février 2010 )

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Brant Bjork @ Power Festival (21 juillet 2010)

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Billy Cordell w/ Brant Bjork @ Power Festival ( 21 juillet 2010 )

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Christian Bland w/ Black Angels @ Galerie Tatry ( 5 décembre 2008 )

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John Garcia plays Kyuss @ Hellfest ( 20 juin 2010 )

mercredi 16 février 2011

GONZO SALON # 1 // Johan Micoud


Johan Micoud a été mon joueur de foot préféré de son arrivée aux girondins (1996) à son tout dernier tour de terrain, en civil, un soir de 2008.
Je l'avais interviewé pour le compte du magazine Trente Trois Tours à son retour à Bordeaux. La rencontre avait été assez distante. Méfiance d'un joueur en activité, déception d'un lendemain d'une fin de mercato qui n'avait pas tenu ses promesses. Et puis, Johan Micoud avait quitté le Werder Brême - l'équipe qui gagnait ses matchs 7-5 ou 5-3 et dans laquelle il faisait des passes à Klose - pour Bordeaux, où Ricardo faisait sa dernière année. Ambiance foire au saucisson. Même pour la photo souvenir, je n'avais pas osé m'approcher à moins d'un mètre.

La seconde fois, c'était en mai 2010 à Radio Campus. Les crampons étaient loin. Il venait de lancer un label avec son ami Laurent Dory, et inaugurait ça avec la sortie d'une compil.


Il nous expliquait notamment à quel point dans des vestiaires où le rap et le hip-hop prédominaient, il avait été dur d'être rock. Il a évoqué aussi la frustration de tous les concerts loupés depuis son adolescence à cause de son job.
Ambiance foncièrement différente. Boire une bière à la cool, parler de Georgie Best et de vintage rock, ça a été plutôt un moment privilégié. On est restés discuter un bon moment après l'émission. Comme s'il était globalement relâché d'avoir quitté un monde qui l'avait un peu brouté en fait.

Pour suivre l'évolution du label: http://www.viragetracks.com/

A cette occasion, je lui avais filé un petit questionnaire qui devait inaugurer ma chronique GONZO SALON. L'idée, c'était de s'éloigner d'une interview académique et de Top 5 divers, pour aller vers le concret du quotidien. A mon humble avis, le disque qui se trouve près de ta hifi est plus représentatif de toi qu'un top 5 qui embellit peut-être un peu la vérité intime.

Une interview flash. Des questions relous.


lundi 14 février 2011

FOREVER FOR HER (IS OVER FOR ME)

The White Stripes would like to announce that today, February 2nd, 2011, their band has officially ended and will make no further new recordings or perform live.

The reason is not due to artistic differences or lack of wanting to continue, nor any
health issues as both Meg and Jack are feeling fine and in good health. It is for a myriad of reasons, but mostly to preserve What is beautiful and special about the band and have it stay that way.

Both Meg and Jack hope this decision isn’t met with sorrow by their fans but that it is seen as a positive move done out of respect for the art and music that the band has created.

The White Stripes do not belong to Meg and Jack anymore. The White Stripes belong to you now and you can do with it whatever you want. The beauty of art and music is that it can last forever if people want it to. Thank you for sharing this experience.


Sincerely,
Meg and Jack White


(communiqué reproduit partiellement : pour la version intégrale http://whitestripes.com/ )




Après des années loin des White Stripes, je me suis jeté sans explication sur le live sorti l’an dernier « Under Great White Northern Lights ». En plus du live à proprement parler, on trouvait un DVD d’un docu qui relatait la tournée complètement barrée du duo dans le grand nord canadien. Un concert dans une cabane en bois, une visite dans la maison de retraite des indiens… Tout semblait épuré, comme une ultime réconciliation, comme si les disques honnis n’avaient jamais existé. Et puis dans les 5 dernières minutes, il y avait ça :

http://www.youtube.com/watch?v=GiZ68ifob0g&feature=player_embedded

Un adieu officieux à l’oreille des fans avant de le faire ces derniers jours dans la presse. Plus un constat qu’un scoop puisque le groupe n'a rien produit depuis 2007. Les éloges funèbres dans les colonnes ont d’ailleurs été insipides. Je veux dire, citer à longueur d’article « Dead Weather », « the Raconteurs », « Seven Nation Army » !! C'est comme si vous pissiez sur la veuve à un enterrement.

Même la déclinaison de pochettes lançait un message. Des silhouettes creuses sur le décor, comme la persistance rétinienne de quelque chose qui n’est déjà plus là.






On a tous une histoire en commun avec les White Stripes. Le duo nous laissait une place vacante, on se sentait participer. Comme ces principes de composition qui suggèrent qu’il faut alléger une chanson, lui aménager des silences, histoire que l’oreille ne se fatigue pas, et indirectement laisser la place à l’imagination. Comme un bon livre. L’inverse d’un film de James Cameron.




C’est aussi un équilibre périlleux entre l’expression sauvage de Jack et le mutisme de Meg. La batteuse était insaisissable et ça a participé à l’intérêt pour le groupe. C’est sans doute Jack qui la décrivait le mieux dans ma chanson préférée des Stripes, Truth doesn’t Make a Noise :

You try to tell her what to do
and all she does is stare at you
her stare is louder than your voice
because truth doesn't make a noise

Les White Stripes ont suivi chez moi la même courbe que Queens of the Stone Age. J’ai pris le parti d’ignorer la discographie après Elephant, comme je l’avais fait avec QOTSA après Songs for the Deaf. La gangrène du groupe a été Seven Nation Army, le hit interdit comme l’avait été Smells Like Teen Spirit pour Nirvana. Pas forcément un changement sur le fond, simplement un changement de public, des gens attirés par un simple hit. Tu commences à te faire piétiner par des gamines de 14 ans aux concerts. Typiquement le truc qui aliène les fans. Et puis un morceau repris par Audioslave et Ben l’Oncle Soul … remixé pour faire chanter dans les stades comme avait pu l’être « I will survive » … ne peut pas être quelque chose de bénéfique. Jusqu’à présent, on parlait surtout du triton, « l’intervalle du diable », qui était honni par l’église et Tipper Gore. On pourra maintenant exclure chaque note qui fait partie de ce riff. Une certaine idée de la violence.

Quand je parle des White Stripes, il convient donc de préciser que je parle de la formule globale, et de l’avant Seven Nation Army. Un duo minimaliste, avec cette batterie très années 20 assumée, d’un atavisme enfantin qui refuse de progresser même en jouant tous les soirs. Plus qu’une technique ou un discours, ils se sont appropriés le côté organique des Blind Willie McTell, RL Burnside ou Robert Johnson. Ce côté « ma voix cramée et ma guimbarde direct dans le magnéto ». No bullshit. Les riffs d’AC/DC joué par un vieux bluesman aveugle sur une guitare cassée, le tout repris par les Stooges.




La question qu’ont du se poser les White Stripes par deux fois, c’est «comment évoluer quand on est dans une formule si simple ? » La première fois, ils ont essayé d’y répondre en faisant « Icky Thump », avec l’introduction de l’equalizer (cet effet qui fait sonner la guitare comme un gros synthé) et des touches hispanisantes. La seconde fois, ils ont splitté. C’est peut-être la formule qui est morte, plus que le groupe. Continuer ? Pour aller où ? Refaire le même album, encore et encore ? Rincer la même bonne vieille recette ? Quand tout est si épuré, tout mouvement peut s’apparenter à de la complexification et aliéner les trois-quarts du public. Arrêter pour ne pas diluer le message. Ca me paraît correct.




STRIPIPEDIA :

(NdR: Le contenu de cette partie n'est pas de moi, les infos ont été prises sur wikipedia, qui explique bien mieux que je ne l'aurais fait ce point précis)

Derrière le concept simpliste des couleurs se cache un vrai credo.

Les White Stripes jouent sur trois couleurs : le rouge, le noir et le blanc. Leurs pochettes de disques, leurs vêtements, leurs instruments sont tous de ces couleurs. La raison est simple, lorsque l'on naît, on ne peut percevoir toutes les couleurs. Le rouge est la première d'entre elles que l'on perçoit, mis à part le noir et le blanc. Jack White a également expliqué dans une interview que ces couleurs étaient les plus fortes, ayant le plus d'impact au niveau historique. Il cita comme exemple à ce titre le nazisme et le coca cola. Une autre origine du nom « White Stripes » proviendrait d'un bonbon que Meg et Jack auraient très bien connu durant leur enfance, aux rayures rouges et blanches. Enfin, bien sûr, ce trio de couleurs est en lui-même symbole de la simplicité et de la puissance du rock.


Le second album du groupe, intitulé De Stijl a été inspiré par le nom d'un mouvement néerlandais ayant pour principe une purification radicale de l'art, passant par un retour à des formes et à des couleurs basiques, ce qui définit parfaitement le style des White Stripes.

vendredi 11 février 2011

Interview JIM JONES REVUE

Version longue de l'interview publiée dans Abus Dangereux n°116
Photos prises par Louise Dehaye à la Rock School barbey (Bordeaux)




HIGH VOLTAGE
Rock’n’roll baby ! Une réputation forgée à la cire à cheveux, un premier album enregistré à l’ancienne en un claquement de doigts et de la dynamite sur scène. J’aurais des hallucinations, je verrais Doc Emmett Brown à la place de Jim Jones, tant le groupe est une machine à remonter dans le temps.
La guitare hurle hors des baffles, Jim Jones prend une posture de prêcheur 50s et Sam Phillips revient à la vie. Le temps d’un set enfiévré à transformer un indie kid en gonzo du rockabilly, qui nous transporte droit sur la tournée US des pionniers. Jerry Lee Lewis côtoyait Elvis et Little Richard. De la sueur, du sang et des larmes comme disait Churchill. L’interview a la même saveur urgente que leurs concerts. On arrive avec l’image d’un groupe des années 50 old-school et on repart avec des déclarations profondément punk. L’humour anglais certainement.




Vous avez enregistré le premier album en un temps record. Qu’est ce qui a changé quand vous avez enregistré le second ?
Rupert Orton : On adore le premier album. On a réussi à capter l’excitation du groupe sur scène. Ca nous a pris un certain temps pour réaliser que nous avions besoin d’un son live, en fait. Ca semble évident maintenant, mais à l’époque, on a eu une approche traditionnelle du studio. Quand on a obtenu ce son brut du live, on a su que c’était ce qu’on souhaitait. C’était vraiment un son radical. Mais on ne pouvait pas refaire le même album, ce qui était radical à l’origine aurait semblé répétitif.
Jim Jones : Jon Spencer m’a dit «Qu’est ce que vous allez bien pouvoir faire après ça ? »
Rupert Orton : Si tu montes le son, ta sono n’apprécie pas vraiment. Tu peux obtenir une sorte de bruit blanc, ce qui est génial hein, mais ce n’était pas vraiment ce qu’on voulait. On voulait conserver l’excitation et l’énergie. Mais comment est ce qu’on fait ça, en vrai ? Alors, on est allés trouver Jim Sclavunos, qui a produit l’album, et on lui a demandé d’aller vers un son plus défini, pour que tout reste en place quand tu montes le son.
Est-ce qu’on peut voir dans le titre « Burning your house down » la meilleure définition possible pour Jim Jones revue ?
Rupert Orton : C’est ce qu’on essaie de produire en concert. Mais la définition complète du groupe serait plutôt « on brûle la maison du sol au plafond pour construire quelque chose de neuf à la place ». On fait table rase et on repart à zéro.
Pensez-vous que le succès qu’a eu cette musique si directe, avec le premier album, était aussi dû au paysage musical actuel ? On entend pas mal de choses superficielles et pénibles, très marquées années 80.
Rupert Orton : C’était une réaction animale, en fait. Je programmais des concerts, j’ai donc pu voir pas mal de groupes, parmi lesquels se trouvait le groupe de Jim. C’était d’ailleurs un des rares groupes que je ne trouvais pas super chiants à l’époque. On écumait les concerts et on se disait « c’est quoi ces groupes ? Pourquoi il n’y a rien de mieux ? »
Jim Jones : Les gens méritent mieux. Quand ils vont à un concert, ils méritent plus qu’un moment de détente vaguement live. Ils méritent de vivre un moment à part, de se sentir revigorés, faire le plein d’énergie positive pour pouvoir repartir et affronter de plus belle cette putain de vie.
Rupert Orton : Tu viens à un concert de rock’n’roll, tu en repars quand c’est terminé. Tu dois t’être bien marré, t’être senti partie prenante sur le plan émotionnel, tu dois sentir l’excitation t’envahir. Si on peut essayer de se rapprocher de ce genre de choses à nos concerts, c’est réussi. Il y a aussi un élément sexuel. Tu dois repartir en te sentant comme après la nuit de ta vie. Je pense que c’est assez similaire.
Il y a aussi du Stooges dans votre musique. Tout le monde dit que vous faîtes du pur rock’n’roll, mais votre musique a beaucoup de points communs avec le punk.
Jim Jones : Les Stooges ont cette flamme en eux. Ce truc après lequel on court. Comme Little Richard, comme the Birthday Party, AC/DC ou Motörhead.La liste est vraiment longue. Ce sont les groupes qui nous ont inspiré quand on était adolescents. On écoutait ça et on se disait « wow ». Le MC5... Qu’est ce que tu veux rajouter à ça ?




Les gens évoquent souvent un revival quand ils parlent de vos disques, mais ne pensez vous pas plutôt que le groupe est arrivé dans une époque à laquelle il n’appartient pas ?
Rupert Orton : Je ne peux pas penser que nous faisons partie d’un revival de quoique ce soit, vu qu’on n’était pas dans le coin dans les années 50. Comment pourrions-nous faire revivre quelque chose que nous n’avons pas vu vivre ? Ok, il y a des éléments évidents de la musique des années 50 dans ce que nous faisons, mais il y a aussi un paquet d’autres choses. On n’est pas bloqués sur une époque particulière ou sur telle influence. Je comprends pourquoi les gens disent ça, mais ça n’a rien d’un revival. Les paroles de nos chansons parlent de la vie aujourd’hui et pas de la vie d’hier. Je pense même que pas mal de choses dans les années 50 n’étaient pas si cools. Le service militaire obligatoire, le rationnement, le National Front et tous ces gens incroyablement racistes. L’Angleterre avait été défigurée par la guerre et était toujours convalescente. On ne peut pas vraiment idéaliser cette période. Il s’est simplement avéré que ça a été le moment où tous les différents styles de musique se sont mélangés pour créer le rock’n’roll.
Little Richard ou Jerry Lee Lewis?
Rupert Orton : Ils sont tous les deux des symboles. L’un est blanc, l’autre est noir. Voilà pourquoi le rock’n’roll fonctionne. Ces deux mecs ont eu les mêmes influences mais ils sont issus de racines sociales différentes.
Jim Jones : Mais ils ont eu des vies similaires, en même temps. Leurs pères respectifs étaient dans le trafic d’alcool pendant la prohibition. Ils ont tous les deux pris leurs racines dans cette période post-dépression, ont joué de la musique quand tout commençait à prendre forme. Au final, ils choisissent une forme d’expression identique.
Rupert Orton : C’est incroyable, ces mecs, et Chuck Berry aussi, sont encore vivants. Quelques-uns sont morts, mais ce sont des légendes, des pionniers et ils sont encore là. C’est fascinant qu’outre la musique qu’ils jouaient, ils aient eu cette énergie en eux.
C’est bon signe pour vous. Chuck Berry ou Eddie Cochran ?
Rupert Orton : Il est difficile, celui-là. Eddie Cochran était un auteur incroyable, mais on oublie parfois son boulot d’arrangeur et de producteur. J’écoute encore souvent « Summertime Blues ». La production sur ce morceau est un truc de malade. Chuck Berry, lui, est avant tout un sénateur de la guitare. C’était un punk avant l’heure, et en même temps il y a une énorme culture jazz dans ses chansons. Je dirais probablement Chuck Berry parce que je suis guitariste.
Jim Jones : Eddie Cochran.
Jack White ou Jon Spencer ?
Jim Jones : Je vais prendre Jon, tu peux avoir Jack si tu veux.
Rupert Orton : Ca me va. On apprécie vraiment beaucoup Jon, c’est un ami.
Jim Jones : Je l’ai choisi, moi. Je l’aime plus que toi, on dirait.
C’est surprenant, pourquoi as-tu choisi Jack White ?
Rupert Orton : Ah ah, oh non pourquoi moi ? Demande à Jim.
Jon Spencer paraissait être le choix le plus évident.
Rupert Orton : La première fois que j’ai entendu les White Stripes, je me suis dit « il a le truc lui aussi ». Et il a vraiment du talent. Il ne s’est pas contenté de faire un seul bon album. Il en a fait un paquet avec trois groupes différents. La plupart des gens arrivent à un certain point, et ils partent dans un trip mystique ou s’installer sur une île des Caraïbes. Jack continue à créer, lui. Il avait été invité à une émission de radio en Angleterre et le DJ nous adorait. Il a passé notre disque et a dit à Jack : « Ces mecs sont incroyables, tu devrais les faire jouer ». Il a dit ok, et il l’a fait ! Ce n’est pas une chose qui arrive en temps normal. Il nous a fait jouer en première partie de Dead Weather à Londres.
Jim Jones : Selon moi, Jon vient de la même lignée que des gens comme Jerry Lee Lewis ou Elvis avant qu’il ne parte à l’armée. Il a cette flamme. Il était bien vivant et il n’était pas vu comme un écho nostalgique du passé. Sa façon de faire, très punk finalement, a donné à cette musique une réelle crédibilité.
Rupert Orton : Jon Spencer a eu une importance cruciale dans ma vie. Dans les années 90, il a joué avec des mecs comme RL Burnside. Ca a complètement changé ma vision de la musique. Il était le gardien du temple dans ces années là, celui qui a maintenu la flamme.

jeudi 10 février 2011

Almost Famous

Article publié dans Sud-Ouest le 22 janvier


(cliquer sur l'image pour la voir en grand)

Patrick Scarzello m'avait demandé ma sélection Sorties pour cette rubrique. Louise a pris la photo en urgence avant de filer au boulot et c'était assez déstabilisant de devoir sélectionner des disques importants en si peu de temps. Hey, faut pas déconner, je sens bien que s'il y avait une faille, quelqu'un allait garder la photo et la ressortir en temps voulu. C'est un effort instinctif ramène un peu à la réflexion de l'île déserte, et ça m'a permis de gagner du temps si l'appart était en feu un jour. Pour info, le premier que j'avais saisi était "Funhouse" des Stooges.