dimanche 20 mars 2011

Les oubliés du rock


Publié dans Technik’Art 117 // novembre 2007

Ces oubliés du rock, partie prenante du mythe et laissés sur le bord du chemin comme les simples outils d’un plus grand ensemble. J’avais eu deux pages pour explorer mon idée, mais on m’en avait refusé quelques-uns et commandé d’autres (Jimmy page et Henri Padovani). Je rétablis ici le projet initial.

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John Pasche



Qui? Graphiste rock

Son coup de génie oublié: Il a imaginé et dessiné la langue des Rolling Stones, le logo le plus connu de la musique, et n'a touché que 250 £.

L'heure de la vengeance: il vend le dessin original pour 300000 £

Qu'est-il devenu? Successivement sollicité par les majors United Artists et Chrysalis pour occuper le poste de directeur artistique, Pasche refait son retard de notoriété monnayée grâce entre autre à son travail sur les pochettes des Stranglers.



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Spencer Elden




Qui ? Ex-bébé destiné à raconter la même histoire tous les dix ans

Son coup d’éclat : En 1991, il est le bébé qui apparaît sur la pochette de Nevermind, le disque de Nirvana qui se vendra à plus de 10 millions d’exemplaires rien qu’aux Etats-Unis. Il ne touche que 200$.

L’heure de la vengeance : Il aborde les filles du lycée en leur disant : «Hey, tu veux la voir une deuxième fois ?»

Qu’est-il devenu ? Spencer a aujourd’hui 17 ans ( NdR : 20 ans quand je poste ce blog), est en terminale à Eagle Rock High School, en Californie et a un job étudiant de serveur de jus de fruit. Il se destine à être pilote de ligne. (NdR : designer en arts graphiques maintenant, il sait pas ce qu’il veut ce môme)



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The Wall




Qui ? la chorale scolaire d’Islington Green

Son coup d’éclat : Les enfants qui chantent sur le mondialement connu Another brick in the wall de Pink Floyd ont été oubliés par le groupe et réclament aujourd’hui leur dû.

L’heure de l’acharnement : Le procès dure depuis 1996 et les avocats les plus optimistes estiment que le dédommagement plafonnera à 500£ par tête.

Que sont-ils devenus ? Certainement des fans de punk, puisque ces derniers avaient fait du prog-rock de Pink Floyd, particulièrement, l’ennemi à abattre.

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Robert Crumb





Qui ? cartoonist freak

Son coup de génie oublié : Il réalise la célébrissime pochette de Cheap Thrills pour Janis Joplin. Il est indemnisé 600$ et on lui dit que le dessin original a été perdu. En fait, il sera vendu une fortune chez Christie's.

L’heure de la vengeance : Les Stones à leur apogée lui demande de réaliser une pochette pour eux. Il refuse car il déteste la musique du groupe.

Qu’est-il devenu ? En 1994, le documentaire de Terry Zwigoff fait découvrir Crumb à la nouvelle génération et relance sa carrière. A presque 65 ans, ce chantre de l’underground vit aujourd’hui en France. Il dessine toujours, notamment pour the New Yorker, et remporte même le grand prix du festival d’Angoulême en 1999.


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Herbie Flowers



Qui ? pigiste prolifique

Son coup de génie oublié : Alors musicien de studio payé à la séance, Herbie Flowers double la ligne de basse du Walk on the wild side de Lou Reed, et de ce fait touche 24 £ au lieu de 12. L 'idée n'en reste pas moins la base du plus gros (et seul véritable) tube du chanteur du Velvet Underground.

L'heure de la vengeance: L'année d'après, Herbie écrit Grandad pour Clive Dunn (?!?). Le morceau sera un succès phénoménal en Grande-Bretagne. Il joue avec T-Rex, David Bowie, Sinatra, Sky et Paul McCartney.

Qu’est-il devenu ? Herbie bonifie ses expériences de pigiste puisqu’il fait aujourd’hui un one-man show où il raconte les anecdotes de studio amassées au cours de sa carrière.


W/ Chris Spedding

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Richard Hell




Qui ? Loner prétentieux ou loser merveilleux ?

Ses coups de génie oubliés : Véritable hérault du punk à New York, il fonde Television mais part juste avant l’album Marquee Moon et l’explosion du mythe. Il a l’idée de l’épingle à nourrice comme signe d’appartenance de la génération punk montante, mais se fait voler l’idée par McLaren et ses Sex Pistols. Il fonde alors les Heartbreakers mais la lutte d’egos avec Johnny Thunders le pousse à partir avant la sortie de l’album L.A.M.F, classé dans tous les Top 5 des années punk.

L’heure de l’acharnement : Il connaît enfin la reconnaissance en 1977 avec son disque Blank Generation. Malheureusement, des années plus tard, les Libertines volent tout ce que contient ce disque sans jamais citer son nom.

Qu’est-il devenu ? Richard Hell habite toujours à New York. Il semble s’être résigné à son costume de dandy de la lose. Il finit actuellement son autobiographie, et va régulièrement faire des lectures de ses poèmes dans des endroits distingués où on peut boire à l’œil. Punk un jour …



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Jackie Brenston




Qui ? Précurseur malgré lui

Son coup de génie oublié : Beaucoup de spécialistes considèrent que le premier disque rock’n’roll de l’histoire n’est pas It’s Alright Mama d’Elvis Presley, mais bien Rocket 88 de Jackie Brenston and his Delta Cats, enregistré dans les mêmes studios Sun de Memphis en 1951.

L’heure de l’acharnement : Jackie Brenston est en fait le saxophoniste, et chanteur occasionnel, du groupe d’Ike Turner, les Kings of rhythm. Sitôt enregistré, Sam Phillips, le patron de Sun, revend les bandes aux studios Chess. Une erreur se produit alors et le morceau est crédité à Jackie Brenston and his Delta Cats, groupe qui n’existe pas jusqu’à ce moment précis. Pourtant c’est bien Ike Turner qui a écrit la chanson et celui-ci ne tolère pas ce revirement de spotlights. Turner vire donc son saxophoniste, avant de le reprendre en 1955, mais sous réserve qu’il ne chante plus Rocket 88 sur scène.

Qu’est-il devenu ? Tombé dans l’alcoolisme, Brenston arrête de jouer en 1963 et accepte un job de chauffeur routier. Il meurt, seul, d’une crise cardiaque à 49 ans. Au cours d’une interview, il était revenu sur sa carrière et avait émis une suggestion pour son épitaphe : « Il a fait un seul succès discographique, sans conséquence. »

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Hasil Adkins



Qui ? Inventeur du psychobilly

Son coup de génie oublié : Tout petit dans son coin white trash des Etats-Unis, Hasil Hadkins écoute Hank Williams à la radio et pense que le musicien joue de tous les instruments à la fois. Il entreprend donc de faire la même chose, mais à sa façon. Sa musique est un rockabilly sauvage et affecté, ses paroles sont des histoires d’amour sanglantes. Personne n’en a jamais entendu parler mais son nom revient inexorablement comme héros absolu cité par les Cramps, Motörhead ou Marylin Manson.

L’heure de la vengeance : Hasil Adkins a un emploi de mécanicien. Il a écrit plus de 7000 chansons, qui repoussent souvent bien loin les limites du bon goût populaire. Il a en général enregistré ses albums dans sa caravane avec un magnéto à bandes acheté d’occase avec son maigre salaire, et il produit lui-même ses 45 tours. Quand il part en tournée, Hasil fait le tour des bars des petites villes américaines devant un public white trash lui aussi. En bref, Hasil n’est pas ce pape égocentrique et hyperstylé du psychobilly qu’il aurait pu prétendre être. Il a au contraire tout de l’ovni ultime. Un critique dira de lui, sur le tard : «l’année où le rock’n’roll est né, en 1955, Adkins était déjà en train de le tuer.»

Qu’est-il devenu ? Hasil Adkins est né en 1937 à Boone County, dans la maison familiale. Il meurt en 2005 dans sa caravane, sans un sou, à seulement cent mètres de son lieu de naissance.



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The Blossoms


qui? choeurs à prendre

coup d'éclat: En 1962, les Crystals sont les égéries du producteur Phil Spector. Ce dernier, en visite dans les bureaux de Liberty Records, entend une chanson déjà promise à Snuff Garrett, qui veut la faire enregistrer par Vikki Carr. Phil Spector s'empresse de rentrer à Los Angeles pour sortir le single avant celui de Vikki Carr. Seulement, les Crystals sont en tournée sur la côte est. Spector embauche alors les Blossoms, un groupe de choristes souvent utilisés par les grands groupes sur scène ou en studio, pour se substituer aux vraies Crystals le temps du disque. Dès sa sortie le disque est prpulsé numéro un, et les vraies Crystals découvrent bouche bée "leur" nouveau single à la radio. Surtout le groupe a du ajouter tout de suite la chanson à son répertoire sur scène. Le problème étant que la chanteuse lead, Barbara Alston, ne pouvait pas imiter le chant habité de la blossom Darlene Love. La chanson He's a rebel est aujourd'hui citée comme exemple des productions féminines de Phil Spector. Les Blossoms, elles, ont été défrayées comme des musiciens de studio.

L'heure de la vengeance: Les Blossoms sont passées à la postérité puisqu'elles figurent comme choeurs dans le célèbre '68 Comeback Special qu'Elvis Presley avait enregistré pour la NBC.

Que sont-elles devenues? Darlene Love a bien essayé de faire valoir ses droits par la suite, mais Spector a toujours répondu: "C'est ma musique, vous n'êtes rien sans moi." Après des années à continuer de poser ses choeurs sur de grosses productions, le groupe a voulu prendre son indépendance, mais a du passer par trois labels avant d'enregistrer finalement son seul album Shockwave, sur un quatrième, en 1972.

samedi 19 mars 2011

Going Underground


« And the public wants what the public gets, but I don't get what this society wants, I'm going underground » // the Jam

Depuis la rentrée, en plus d'être gratifié d'un nouveau nom, le radio show a subi un lifting nerd'n'roll.


Sur la page de l'émission, j'avais demandé à chacun des collaborateurs de faire son auto-portrait en croisant cinq personnages / personnalités / weirdos. Il s'agissait en fait d'une application Facebook qui trainait il y a deux ans, un truc comme ça. Dur à dire, le temps 2.0 est dilaté.

Mon propre mix est fidèle à celui que j'avais donné à l'époque. J'aurais pu affiner un ou deux choix, mais je trouve ça profondément honnête, et par respect pour le moi-même d'alors, je l'ai gardé tel quel.

Schroeder

monomaniaque (adj.) : relatif à la monomanie, sorte de trouble mental dans lequel une seule idée semble absorber toutes les facultés de l'intelligence.

Johnny Ramone


"Less is more". No bullshit. Une bonne réflexion sur les a priori et la persévérance, no matter what.


Lester Bangs

J'avais écrit ça pour Abus Dangereux spécial Rock & bouquins. Je crois que le papier n'avait pas été publié:

Psychotic Reactions & autres carburateurs flingués

Fêtes Sanglantes & mauvais goût

Lester Bangs

Tristram

« Je commence toujours une interview avec la question la plus insultante à laquelle je puisse penser. Parce qu’il me semble que tout le truc d’interviewer une rock star est très surfait à la base, et ça finit en léchage de bottes. Ce n’est qu’une révérence à plat ventre faite à des gens qui n’ont vraiment rien de spécial. C’est juste un mec, juste une autre personne, non ? »

Quand on évoque l’écriture gonzo, on pense surtout à Hunter S. Thompson, mais Lester Bangs en est sans doute le représentant le plus doué. Le gonzo ? Pas vraiment du journalisme, pas vraiment le travail d’un écrivain, pas vraiment la névrose bavarde d’un égo surdimensionné. Mais plus sûrement beaucoup des trois. Courageuses traductions françaises d’un style intraduisible, « Psychotic Reactions et autres carburateurs flingués » et le deuxième volume « Fêtes sanglantes et mauvais goût » sont les recueils des meilleurs articles de Lester Bangs, avec l’ajout de quelques curiosités, comme des bouts de nouvelles inédites. Mais c’est bien en tant que rock critic qu’il brille le plus, ne lui en déplaise, puisqu’il se décrivait lui-même comme « le meilleur écrivain américain à n’avoir rédigé que des critiques de disques ». Parues dans Rolling Stone, the Village Voice, the New Yorker ou Creem, elles sont le point de départ d’une écriture rock qui a poussé à l’ombre de la musique y attenant, prenant au moins autant d’importance qu’elle au fil des années. Aussi célèbre que les artistes qu’il côtoie, Bangs est un grand écrivain qui aurait négligé de s’enfoncer dans le snobisme pour garder cette ferveur toute adolescente. Une sensibilité à vif et une mauvaise foi assumée de fan de base, mais orchestrée à l’épique, genre saga ironico-tragique et question de vie ou de mort. S’inspirant de Burroughs et de la beat generation, son style rivalise avec le son et l’énergie du rock, son écriture est un mélange entre la distorsion de guitare électrique et une impro free-jazz ou psyché. Bangs n’a que faire des conventions journalistiques, des normes tout simplement. Ses articles, souvent impubliables par leur propos ou leur taille – certains papiers feront jusqu’à 30 pages - feront le bonheur de Creem qui laisse carte blanche à ses auteurs. C’est en prêcheur à la verve souvent hilarante qu’il signe des articles aux noms déjà répressibles, « sourd et muet dans une cabine téléphonique : une parfaite journée avec Lou Reed » ou « emmenez votre mère à la chambre à gaz » ou au postulat cintré, avec l’interview post-mortem de Jimi Hendrix.

« Je pense qu’on est tous rock critics, dans le sens où tu décides d’acheter ce disque plutôt qu’un autre quand tu vas dans un magasin. A ce moment là, tu es un rock critic. Je n’ai pas plus de légitimité que n’importe qui d’autre. »

Ces livres nous rappellent surtout que le fan est à la base de tout dans la musique. Les débats sans fin, passionnés, partisans et oniriques, vaudront toujours mieux que les débats mercantiles autour d’Hadopi et des maisons de disques. Hélas, Lester Bangs n’a pas de remplaçant. Ces recueils en sont d’autant plus indispensables.


Steve McQueen

Le mec à qui on doit la "Cool attitude" jean / t-shirt. Malgré moi, ce gars m'a énormément influencé quand j'étais un kid. Trop regardé la TV sûrement. De "Au Nom de la Loi" à "Bullit". Il y a un âge où c'est difficile de dire si on s'identifie à un personnage et si ses thèmes de préoccupation deviennent alors les nôtres, ou le contraire. Ombrageux comme dans les Sept Mercenaires où il parle très peu. Juste à bon escient, en tout cas. Son attitude laconique dans la Grande Evasion avec ces scènes où il retourne au trou encore et encore et qu'il reprend ce gimmick où il fait rebondir la balle de base-ball contre le mur. Ca rend le processus plus énervant pour le gardien que répressif pour lui. Je mentirais si je disais que ce côté "vous ne me briserez pas" n'a pas compté. Peut-être bien que Steve a été mon premier exemple punk, en fait.


Jim Henson


La père des Muppets. Quand j'ai passé un an en UK, je m'étais renseigné pour postuler aux Aardman studios (Wallace et Gromit, et descendants directs de l'oeuvre d'Henson) mais ils n'acceptaient que les britanniques ou les énormes expériences dans le stop-motion. Bref, Jim Henson pour tout le message "ne prenez pas ça tellement au sérieux", pour la part d'imaginaire désuet et le fait de créer son propre truc à partir de rien.