jeudi 1 novembre 2012

FU MANCHU // These go to eleven


Alors que tous les autres groupes feraient le choix inverse en assurant leurs vieux jours sur une major, Fu Manchu retourne au DIY de ses années teenagers dans le garage familial, en montant son propre label après plus de 20 ans de carrière.
Traité sur le skato-nihilisme avec Scott Hill (chant/guitare)
Interview publiée dans Abus Dangereux # 125
Photos par Manu Wino
 


Vous nous aviez habitué à sortir un album tous les deux ans. Qu’est ce qui s’est passé depuis la sortie de « Signs of Infinite Power » (2009) ?
On avait l’habitude de sortir un album, faire une tournée et vite rentrer pour enregistrer le suivant. On a un peu changé de mode de fonctionnement. On a décidé de tout faire par nos propres moyens à partir de maintenant. Ca implique aussi qu’on va devoir tout payer de nos poches, on doit donc prendre plus de temps pour mettre de l’argent de côté.




C’est la seconde tournée que vous dédiez à jouer un vieil album en entier, après « In search of » l’an dernier. C’était justement pour casser ce cycle enregistrement-tournée-enregistrement ?
Oui, en quelque sorte. On n’avait pas prévu de jouer ces disques dans leur intégralité, on avait l’habitude d’ajouter de vieilles chansons aux sets mais c’est le manager qui nous a dit que ce serait cool de marquer le coup pour les 15 ans du disque. On a réédité le disque et on pensait jouer quelques shows. C’est aussi parce qu’en tant que spectateur, j’avais pris du plaisir à aller voir des mecs comme Monster Magnet rejouer « Spine of God » que je me suis laissé facilement convaincre.
Bon, et maintenant ? « King of the Road » ?
Ah ah, oh mec je ne sais pas. C’est tentant parce que tout le monde a envie qu’on le joue, mais la priorité est plutôt de sortir un nouvel album.
Vous jouez ces disques qui ont quinze ans. Ce n’est pas le meilleur moyen de rester authentique finalement : penser comme si tu avais quinze ans ?
Oui c’est un moyen très sûr, ah ah. Blague à part, il y a plein de ces chansons qu’on n’avait jamais joué en live et d’une certaine façon, ce sont comme des nouvelles compos qu’on joue au milieu des classiques et d’autres qu’on joue de temps à autre. C’est l’avantage d’avoir attendu quinze ans: c’est tellement loin qu’on a oublié et qu’on a l’impression que c’est du neuf.


L’album « Action is Go » finit sur la chanson « Nothing done » (NdR : rien n’est fait/ tout est à faire). Quinze ans plus tard, tu considères que vous en avez fait un peu plus ?

Mmm.
« Non. »
Ah ah, « non ». Je ne sais vraiment pas. On est sur ce cycle irrémédiable disque-tournée-disque-tournée, comme on disait tout à l’heure. Tant qu’on prend du plaisir à rentrer dans cette démarche, on ne se pose aucune question de ce genre. Le truc c’est de continuer à pousser pour bien faire les choses.
Tu as la sensation que vous avez réussi à garder la même fraîcheur que quand « Action is Go » est sorti ?
Je suis mal placé pour en juger mais je peux te dire qu’à cette époque là, on partait en tournée pour neuf mois après chaque disque et que je serais foutrement incapable de faire la même chose aujourd’hui. Pour tout le reste, l’esprit est complètement le même.

Vous sortez ces rééditions sur votre propre label. Est-ce que ça signifie que votre prochain album sera autoproduit ?

Oui. On a pris la fin du contrat (NdR: pour deux albums) avec Century Media comme une opportunité de se lancer, faire tout ça nous-mêmes. Au moins tenter le truc, on verra si ça marche. On a déjà sorti les rééditions, on s’était chargés de 45 tours et de EPs, mais ce sera la première fois sur un vrai album et on sait que ça va nous coûter beaucoup d’argent.
Vous allez faire la totale DIY et le produire aussi ?
Je ne sais pas. Je pense que c’est toujours constructif quand tu as un avis extérieur. Une paire d’oreilles qui va entendre un truc qu’on n’entend pas car on est dans nos habitudes. Neuf fois sur dix, on a bossé avec un producteur et ça s’est parfaitement bien passé, donc on n’est pas forcément dans cet état d’esprit.
Avec la mutation de la musique à cause d’internet, le changement d’habitudes avec le téléchargement gratuit et la victoire globale de la musique mainstream des major labels, penses-tu que les groupes indé vont tendre à revenir à ce format DIY dans un futur proche ?
Oui, pour nous c’est indéniable. On ne sera jamais un groupe mainstream ou le buzz de l’été, et on a grandi en écoutant les groupes de punk comme Black Flag. C’est un état d’esprit qui est inscrit en nous. Pour ce qui est des téléchargements, je crois qu’on est protégés car on sort des vinyls et qu’on y tient. Les gens qui achètent des 33 tours ne sont pas forcément dans la tranche de consommateurs de musique qui chargent systématiquement tout.



La scène stoner a été importante dans le retour du vinyl. Dans les années 90, tous les disques de la scène US sortaient dans ce format quand tout le monde l’avait laissé tomber. 

C’était naturel. J’ai grandi en achetant des vinyls et je n’ai jamais arrêté. C’est impensable qu’on sorte nos disques autrement. Je trouve que le CD n’offre pas la même émotion, ne parlons même pas du mp3.
C’était difficile d’imposer le gravage de vinyl dans les années 90, quand la production était au plus bas et qu’on parlait de la disparition du format ? 
C’était plutôt marginal. C’étaient des tirages à ... 3000 exemplaires peut-être. Ok, c’est plus cher à produire mais ça vaut la peine, et les gens adorent mettre la main dessus. Je vois ça comme un échange supplémentaire.
Tes chansons parlent de skate, de filles, de science fiction et de voitures. T’en as authentiquement rien à foutre ?
Ah ah non, j’en ai vraiment rien à foutre. Vraiment rien. Tu ne trouveras jamais de revendications politiques ou religieuses dans nos textes. Ca m’énerve toujours d’avoir à entendre des groupes geindre ce genre de trucs. C’est juste la musique qui m’intéresse. J’en ai vraiment rien à tamponner de ce que peut bien penser ce gars sur l’actualité. Finalement, les voitures et la science fiction ont plus d’intérêt dans ce contexte. On ne prend pas tout ça trop au sérieux. Ah ah, j’en ai vraiment rien à foutre. C’est toi qui l’a dit, t’as parfaitement raison. On en a totalement rien à foutre. C’est notre spécialité.